Qu'est-ce que c'est ? Depuis cette page vous pouvez utiliser les liens Web Social pour enregistrer Un journal à la main dans un réseau social de liens, ou le formulaire d'E-mail pour envoyer le lien par e-mail.

Web Social

E-mail

E-mail It
juillet 11, 2007

Un journal à la main

Posted in: art,artefacts,Asie,calligraphie,Inde,journalisme,religion

musalman.jpg
Photo © Scott Carney / Wired, 2007

Avant la colonisation britannique, l’ourdou était la langue de la Cour de Delhi, et la richesse de son vocabulaire (d’origines indienne, persane et arabe) lui avait permis de gagner un très haut niveau de sophistication et d’élégance. Avant 1947, l’ourdou et l’hindi constituaient d’ailleurs la même langue, alors appelée hindoustani. Depuis la séparation de l’Inde et du Pakistan, ces deux langues sœurs se sont éloignées l’une de l’autre, l’ourdou perdant peu à peu son vocabulaire d’origine sanscrite au profit de mots d’origine persane ou arabe. Aujourd’hui parlé par plus de 160 millions de personnes au Pakistan (dont c’est la langue officielle) et au nord de l’Inde (où il est l’une des 22 langues reconnues par la Constitution), l’ourdou est également la langue maternelle d’un grand nombre de locuteurs disséminés à travers le reste du sous-continent.

À Madras (Chennai), ville de l’Inde du Sud, capitale de l’État du Tamil Nadu, existe depuis 1927 un journal ourdou entièrement composé… à la main : le Musalman. Tiré à vingt mille exemplaires, ce quotidien est imprimé depuis les années 1950 sur une ancienne rotative héritée d’un journal américain aujourd’hui disparu. Il est lu principalement à Triplicane (sur la côte de la Baie du Bengale) et à Madras.

Le rédacteur en chef, Syed Fazlulla, dirige — du haut de ses 76 ans — une équipe de six personnes dont quatre calligraphes (ou katibs) qui pratiquent l’art inestimable du nastaʿlīq, l’écriture ourdoue. Le journal utilise en grande partie des nouvelles traduites de l’anglais et publie également des poèmes et des messages de dévotion.

Bien que d’obédience musulmane, ce journal emploie aussi bien des femmes que des hommes, des musulmans que des hindous. Il est l’un des derniers sanctuaires de la calligraphie ourdoue qui, pendant longtemps, avait été l’apanage des hautes classes, de l’éducation et des esprits libéraux. Aujourd’hui menacé par l’informatique (les premières polices de caractères ourdoues ont vu le jour au milieu des années 1990), le journal risque de disparaître. Quand son rédacteur en chef ne sera plus en mesure de tenir la barre, son fils, Syed Nasarulla (qui se désintéresse totalement de la calligraphie) ne poursuivra sûrement pas l’entreprise, ou tout du moins pas sous cette forme-là : il ne comprend pas pourquoi le Musalman n’est pas depuis longtemps passé à la PAO.

Quand le Musalman aura fermé, quand les derniers katibs encore en vie cesseront de pratiquer leur art, c’en sera fini de l’art suranné des poèmes quotidiens portés par les plus douces arabesques. Tout fout le camp, surtout la beauté.

Merci Wired


Retour à: Un journal à la main