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« enquêtes »

Les seins m’en tombent

3 septembre 2007, posté par Marc

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La nascita di Venere (détail), de Sandro Botticelli. Image © Galleria degli Uffizi

Les lecteurs assidus de LiLeLa auront remarqué que samedi matin, durant quelques heures, une dépêche pondue par mes mains (parfois légères) traitait du rinçage d’œil et de ses bienfaits. En effet, un article déjà ancien (19 mai 2006), paru sur le site Goofigure, avait retenu toute mon attention. Il y était question d’une étude menée en Allemagne par une certaine Dresse Karen Weatherby.

Selon Goofigure, un article publié dans le respectable et respecté New England Journal of Medicine prétendrait que de reluquer l’anatomie avantageuse de la gent féminine pourrait être bénéfique pour la santé. Le travail du muscle cardiaque et la pression artérielle augmenteraient au moment de la contemplation de ces dames, améliorant du même coup la santé des mâles humains. Selon Goofigure, dix minutes d’un tel exercice équivaudraient à une demi-heure d’exercice physique et prolongeraient sensiblement l’espérance de vie des messieurs.

J’avais trouvé la nouvelle réconfortante, voire même réjouissante. Cependant, un doute subsistait dans mon esprit, et j’allais vérifier dans les archives du New England Journal of Medicine l’existence de l’article à la source de cette aimable découverte. Grande a été ma déception quand je n’y ai trouvé aucune trace d’une quelconque expérience dirigée par cette soi-disant doctoresse germanophile.

Du coup, j’ai poursuivi ma petite enquête et suis tombé sur la numérisation d’un article pondu par un certain Jonathan Hayter et portant le titre de An eyeful a day keeps the doctor away (littéralement : « Vous rincer l’œil au quotidien tient votre docteur au loin »). Malheureusement, aucune source n’accompagnait cette coupure de presse. Avais-je sous les yeux la copie d’un article scientifique ? — Certainement pas, tant son contenu et sa forme ne correspondaient pas à une publication de ce type. Mais d’où pouvait bien venir ce papier ?

La vérité allait s’avérer amère. Snopes, un site spécialisé dans la chasse aux rumeurs de tout poil, a répondu à ma question : l’article dont je venais de voir la reproduction provenait de l’un des pires canards à cancans et faussetés que la Terre n’ait jamais portés : Weekly World News, un tabloïd de supermarché qui fait la part belle aux bébés extra-terrestres, aux bigfoots esseulés, à la génération spontanée, à la télékynésie — et j’en passe, et des meilleurs. En résumé, la lie de la lie, un cauchemar de cellulose et de pixels.

Bref, mea culpa : j’ai, malgré moi, et durant quelques heures, colporté une nouvelle issue de l’esprit dégénéré d’éditeurs en mal d’audience bref, l’immonde sécrétion de vendeurs de papier au kilo(mètre/gramme). Bien que je me sois empressé d’effacer l’article que j’avais commis, je vous devais, cher lectrice, cher lecteur, une repentance en bonne et due forme, une explication circonstanciée qui prouverait, une fois de plus, le sérieux du présent site d’information oblique et décalée.

Cela dit, Messieurs, ne vous privez pas pour autant de votre sport favori : admirer les courbes de Gauss et les sinusoïdes de nos congénères du beau sexe ne fait aucun mal… sauf au cœur.

En mourant, on se fait des copains

30 août 2007, posté par Marc

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Chrysomya albiceps. Photo © Medizinische Universität Wien, 2002

Il existe pas mal de techniques pour déterminer le moment où un être humain est passé de l’état de consommateur à celui de macchab. On peut par exemple utiliser la température du corps, laquelle met bien huit à douze heures pour rejoindre celle du climat ambiant (dans les pays tempérés, cela va sans dire, car dans les contrées hospitalières où il fait déjà 37.2°C le matin, une telle égalisation est bien plus rapide).

On peut aussi se baser sur la rigidité cadavérique qui commence par la nuque avant de se répandre dans le corps entier — un corps mettant huit à douze heures pour se transformer en bout de bois (qui, peu après, se ramollit à nouveau sous l’effet de la décomposition).

Il existe encore les lividités cadavériques, à savoir les taches violacées que la peau acquiert sous l’effet du déplacement passif de la masse sanguine dans les coins et recoins de la dépouille…

En fait, le nec plus ultra de la datation d’un passage de vie à trépas, la manière la plus élégante de connaître l’heure d’un rendez-vous avec la Mort demeure l’entomologie médico-légale (en anglais : forensic entomology). Dans les séries télévisées qui nous empêchent de nous coucher avant minuit, cette étape des enquêtes criminelles est souvent passée sous silence. Et pour cause : il ne faudrait pas, précisément, nous empêcher de dormir une fois le poste de télévision éteint.

Cela dit, cette discipline de la police scientifique s’avère sans doute l’une des plus intéressantes. Grosso modo, comment cela marche-t-il ? Une fois la victime découverte, les enquêteurs prélèvent la « faune » se promenant sur le corps et alentour. En fait, pas seulement les bestioles vivantes, mais aussi celles qui, à leur tour, ont passé l’arme à gauche. L’emplacement, le moment et les conditions de prélèvement sont des informations primordiales.

Les petites bêtes qui courent sur leur repas de famille sont dès lors conservées dans de l’alcool (ce qui est l’une des manières les plus nobles de mourir, non ?) ou sont gentiment élevées en couveuse, histoire d’obtenir les mêmes conditions d’humidité et de température que celles dans lesquelles on les a trouvées.

Les stades larvaires, la durée d’incubation des œufs et le moment d’arrivée sur la dépouille sont des éléments qui permettent de retrouver, par croisements statistiques, le délai qui sépare la découverte du corps du moment où son propriétaire s’est absenté d’icelui.

Si je vous décris toutes ces joyeusetés, ce n’est pas que je broie du noir — il y a longtemps que les attentats quotidiens en Irak m’ont insensibilisé —, mais simplement parce qu’un Helvète pas piqué des hannetons (lui !) maintient un site qui ne brille certes pas par son graphisme, mais par son contenu. Claude Wyss (éminent pipomane au demeurant) y présente l’ouvrage qu’il a publié avec Daniel Cherix ainsi que l’expérience acquise durant les dix-sept années où il a assumé, au sein de la police vaudoise, le poste d’inspecteur en charge de la levée des corps. Bref, une riche source d’informations qui ravira tant les amateurs de polars (lecteurs et/ou écrivains) que les amoureux de la vie… sous toutes ses formes.

Le site de Claude Wyss, c’est ici.


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